Avec Cédric, nous n'avons pas peur du mariage. Lui parce qu'il croit à l'amour éternel et moi parce que je crois au divorce à l'amiable. Mais il y a une chose que nous redoutions tous deux, c'est la préparation religieuse au mariage... On avait deux soirées de prévues, le 23 et 30 mai, toutes deux à 20h15.
Et on y a survécu !
Le premier jeudi, nous sommes partis après le travail, à 16h et nous avons fait une petite heure et demi de route pour aller chez les parents de Cédric... que finalement, on a assez peu vus, car le repas à peine avalé, nous devions nous mettre en route pour être à l'heure à la réunion de préparation...
La route que le GPS nous a fait emprunter mériterait à elle seule un poème. Une fois la ville derrière nous, nous arrivons dans une sorte de far-west de la circulation. A quelle vitesse faut-il rouler ? Il n'y a aucun panneau, aucun marquage au sol, on risque à tout moment de croiser une voiture en sens inverse sur la route étroite (mais c'est arrivé seulement une fois car à 20h en Haute-Marne, tout le monde est bien au chaud chez soi, et surtout pas en voiture), et il n'y a rien, on est loin de toute civilisation, il y a seulement des vaches et des prés.
Finalement, contre toute attente, on arrive dans le petit village où doit avoir lieu la réunion... Et on trouve assez facilement, en se repérant grâce à l'église (eh oui, notre couple animateur habite rue de l'église, ça ne s'invente pas), aux autres voitures, à la lumière et au monsieur qui fait des signes devant sa porte. Il est presque 20h45, mais nous ne sommes pas les derniers. Nous arrivons troisième sur cinq, mais nous faisons doubler au moment de nous garer (je déteste me garer, c'est toujours un grand moment d'angoisse). Nous entrons. Bon, le couple animateur a l'air sympathique. Il y a un prêtre (pas le nôtre car la réunion ne se déroule pas dans la paroisse où nous nous marions) qui semble aussi sympathique. C'est déjà ça. Et apparemment, on va faire un jeu, ce qui est plus rassurant que trois heures de débat.
Nos hôtes sont respectivement médecin et femme au foyer, ils ont six enfants dont quatre mariés et six petits-enfants. Ils font quand même un peu cliché de couple catholique. Quant aux autres couples, ce sont des clichés d'haut-marnais. Gros gaillards et filles robustes, travaillant pour beaucoup dans le domaine agricole. Tous la trentaine, pour certains avec enfant. Une seule jeune fille, venue sans son fiancé, se rapproche de notre profil : la vingtaine, apprétée, jeune ex-étudiante...
Le jeu consiste à piocher tour à tour des questions personnelles sur le thème du couple et à y répondre. Rapidement, l'ambiance se réchauffe, les langues se délient. Une fiancée fond en sanglots en nous apprenant qu'elle a perdu les trois quarts de sa famille cinq mois avant le mariage, un couple raconte son combat contre la maladie, un fiancé nous confie son passé de drogué... On se demande si on est à une séance de préparation au mariage ou au sein d'un épisode de Confessions Intimes...
Mais on apprend quand même deux ou trois choses. Les quatre pilliers du mariage (liberté, fidélité, fécondité, indissolubilité), les cinq langages de l'amour (cadeaux, services rendus, moments de qualité, compliments, toucher)... On ne nous oblige pas à parler quand les autres jouent, même s'il faut bien répondre honnêtement quand c'est notre tour de jouer. On parle des choses dont on n'aime pas parler entre nous, du bonheur d'être ensemble, de la communication dans le couple, de ce à quoi on est prêts à renoncer pour l'autre... On écrit sur un papier ce pour quoi on s'est choisis et on se le fait lire... ça fait plaisir de lire ça.
On n'est pas morts, mais le temps passe et on est fatigués. Il est 23h30 quand on épuise le stock de questions. Chacun retient ses baillements. Notre hôtesse nous propose des boissons et des choses à grignoter mais il est tard, tout le monde aimerait rentrer, alors nous refusons poliement (malin, ce couple organisateur qui ne propose à boire et à manger que lorsqu'il est sûr que tout le monde refusera !).
Et hop, rebelote, les petites routes pourries, mais à présent il fait nuit noire. J'inaugure mes phares, que je n'avais jamais eu l'occasion d'utiliser auparavant, car j'ai rarement l'occasion de rouler en pleine nuit (déjà que je n'aime pas rouler la nuit) dans un endroit sans aucun éclairage.
Le jeudi suivant, nous sommes rôdés. Nous partons de Dijon plus tôt, nous pouvons un peu plus profiter des parents de Cédric mais une fois encore nous devons partir avant la fin du repas pour ne pas être trop en retard. Par contre, nous avons cette fois-ci un plan dessiné par Beau-Papa qui nous fait rouler sur des routes un peu plus praticables que celles indiquées par la GPS. En conséquence, nous arrivons en retard, mais moins que la dernière fois.
Cette fois-ci, la réunion est placée sous le signe de la religion, plus encore que sur la vie de couple. Nous appréhendions beaucoup, car nous ne sommes pas ce qu'on peut appeler des catholiques très praticants. Mais finalement, c'est assez bien passé.
Une fois nos hôtes assurés que tout le monde dans la salle a bien compris que le but du mariage était avant tout de se reproduire frénétiquement (très important, comme pillier du mariage, la fécondité) et que tous nous le souhaitions ardemment, l'ambiance devient moins pesante. Quatre jeunes couples sur cinq se révèlent finalement assez peu praticants... Un seul fait sa prière le soir et va à la messe tous les dimanches. Les autres se marient à l'église pour des raisons aussi diverses que faire plaisir aux grands-mères, faire participer les nombreux défunts de la famille ou parce que c'est comme ça et puis c'est tout.
La séance est également sous la forme de petit jeu avec des questions. Cédric et moi tombons sur "Qu'est-ce qu'une vocation pour vous ? le mariage est-il une vocation ?", puis sur "Votre amour vous a-t-il plutôt rapproché ou éloigné de Dieu ?" Vastes questions, dont nous nous sortons plutôt avec brio, sans vouloir nous vanter. Cédric crâne en sortant des références à Platon et au mythe de l'androgyne. Paraît qu'en disant que j'étais libraire, j'avais paru trop intelligente la semaine dernière et qu'il voulait se rattraper.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de discussions tendues. La contraception et le travail de la femme font l'objet de débats un peu houleux, les jeunes couples prônant l'émancipation féminine et la pilule à fond les ballons tandis que les hôtes tentent de les convaincre des bienfaits de l'éducation par la mère et de la méthode Ogino (un fiancé a quand même failli se trouver mal quand notre hôte a évoqué l'étude des glaires cervicales pour déterminer la fécondité de la demoiselle). Quand le sujet du mariage pour tous est abordé, je crains un dérapage. Mais finalement, le prêtre (qu'on a assez peu entendu jusque là) prend la parole et se révèle finalement bien plus ouvert que notre hôtesse, assurant que la fécondité doit être plus un désir de fonder une famille, éventuellement avec l'adoption voire par l'association des deux familles, qu'une obligation biologique.
La réunion se termine une fois de plus à pas d'heure. Cette fois-ci, nous faisons une prière pour la clôre. J'ai du mal à me concentrer et Cédric fait le signe de croix à l'envers, mais personne ne nous en tient rigueur. Puis on nous distribue un dossier avec des documents de réflexion sur le mariage religieux et on remplit une petite fiche d'évaluation sur les séances (on se fait traiter d'intellectuels par nos petits camarades parce qu'on prend notre temps pour écrire nos commentaires). On nous impose enfin le cidre et les gâteaux, qu'on avait refusés la dernière fois. Et on ne paie rien, contrairement à ce qu'on nous avait dit (un autre couple bourbonnais s'était vu demander 5€ de participation pour ces séances).
On part relativement satisfaits. Est-ce que cela a réellement changé quelque chose dans notre façon d'aborder le mariage ? Non, pas vraiment. C'était tard, c'était fatiguant mais finalement, c'était plutôt intéressant et on ne nous a jamais obligés à rien. Les questions étaient un peu intrusives, mais l'écoute des autres plutôt bienveillante. En somme, je ne dirais pas que ces séances sont indispensables, et je ne pense pas qu'elles valent six heures de route en deux semaines, mais il n'y avait au final pas vraiment de raison de les appréhender outre mesure.
Au fond, nous sommes tous un peu des catholiques dans notre coeur.